Un littoral partagé, une responsabilité commune :
Construire l’avenir de la Côte Verte des Guyanes
Le long de la côte nord-est de l’Amérique du Sud s’étend un littoral pas comme les autres : une vaste bande de vasières, de mangroves et de marées, où les frontières du Guyana, du Suriname et de la Guyane se fusionnent pour former ensemble un refuge écologique d’une importance capitale. Chaque année, des millions de limicoles — Bécasseaux semipalmé, Petit et Grand chevaliers, Bécassin roux, Courlis corlieux et Bécasseau maubèche — y arrivent après un long voyage. En dehors de leur saison de reproduction, ils viennent y chercher repos, sécurité et nourriture dans l’un des derniers sanctuaires côtiers encore intacts.

Cette « Côte Verte » est encore largement préservée et constitue un littoral rare et précieux dans un monde en pleine évolution. Mais cet endroit unique fait face à des pressions croissantes. Le développement économique, notamment la croissance de l’activité pétrolière en mer, risque de fragiliser l’équilibre de cet écosystème.
Manomet Conservation Sciences collabore avec des partenaires de la région à l’élaboration d’un Plan de Conservation des Limicoles de la Côte Verte — une stratégie ambitieuse, fondée sur la science et élaborée en partenariat avec les communautés, visant à protéger le patrimoine côtier commun des Guyanes. Ce plan est en cours d’élaboration dans le cadre d’un processus inclusif associant les autorités nationales, les communautés locales et des experts, en combinant savoirs traditionnels, sciences modernes et initiatives locales pour construire une vision commune.

Ce plan ne part pas de zéro. Il s’appuie déjà sur quelques années d’initiatives locales et de consolidation de partenariats. En 2020, Manomet a lancé un programme de conservation au Suriname afin de renforcer les capacités de gestion des habitats essentiels pour les limicoles. La gestion de la zone WHSRN, Bigi Pan MUMA (zone de gestion à usages multiples), a été renforcée en développant les compétences des principaux acteurs locaux grâce à des ateliers sur le terrain. Des mesures ont également été prises pour restaurer un canal d’accès essentiel, à la fois pour les gardes forestiers dans la lutte contre le braconnage, et pour les pêcheurs locaux et les opérateurs touristiques. Enfin, des digues ont été construites de manière stratégique le long de plusieurs criques (créées illégalement) sur le littoral de Bigi Pan, dans le but de réduire l’écoulement de l’eau douce et de restaurer les niveaux hydriques du lac principal ainsi que des zones humides environnantes.

Ce travail, mené au Suriname, a permis de mieux comprendre les défis et les opportunités liés à la protection du littoral dans le pays. Il a également mis en évidence la nécessité d’adopter une approche plus large pour protéger de manière cohérente les habitats critiques des limicoles tout au long du littoral des trois Guyanes. En 2024, Manomet a coorganisé le tout premier atelier national sur les limicoles au Guyana, réunissant des représentants des autorités publiques, des chercheurs, des ONG et des communautés locales. Cet événement a permis de nouvelles discussions et connexions, tout en renforçant les bases d’une coopération régionale qui commence aujourd’hui à prendre forme. Plus récemment, Manomet a également engagé une collaboration avec le GEPOG (Groupe d’étude et de protection des oiseaux en Guyane), principale ONG ornithologique du territoire de la Guyane, afin de combler certaines lacunes en matière de connaissances.

Depuis la fin des années 1980, les Guyanes sont reconnues comme un littoral d’importance hémisphérique grâce à la désignation de trois sites au sein du Western Hemisphere Shorebird Reserve Network (WHSRN). Mais une telle reconnaissance ne suffit pas. La protection de ces zones exige une coordination active et un engagement constant, d’autant plus que les menaces qui pèsent sur le littoral dépassent les frontières nationales.
Le Green Coast Shorebird Conservation Plan est bien plus qu’une simple stratégie. C’est une invitation. Une invitation à imaginer un avenir où les oiseaux trouvent encore refuge sur des côtes préservées, où les communautés locales prospèrent aux côtés d’écosystèmes en bonne santé, et où trois pays s’unissent pour une seule et même côte.
